lundi 15 février 2010

Les glaciers de Patagonie




Rédigé le 15 février 2010

Atterrit à El Calafate en fin de matinée, le trajet en mini-bus entre l’aéroport et cette ville balnéaire en bord du lac Argentin me fait immédiatement constaté que la végétation et les paysages sont totalement différents de ceux jusqu’à présent traversés.
Mon auberge à deux blocs de la rue principale est investie massivement pas des israéliens. En faisant leur connaissance, bon nombre d’entre eux voyage quelques mois voir une année complète après leurs deux années de service militaire pour les femmes, et trois années pour les hommes, voir un peu plus pour les officiers. Leurs destinations favorites : l’Inde, l’Australie, l’Asie du sud est, ou le sud de l’Argentine, de la Patagonie jusqu’à la Terre de feu. Je n’en n’avais pas rencontré autant en Australie ou en Asie, mais là, cela devient de l’occupation territoriale ! Personnellement, je trouve que voyager devrait être obligatoire, un peu comme le service militaire à une époque. Il est toujours enrichissant de rencontrer des gens qui voyagent, de partager ses expériences de vie, d’apprendre sur la culture de l’autre. Concernant les israéliens, je constate cependant un point qui ne correspond pas à mon idée du voyage, sur des périodes aussi longues. Je ne parle pas ici de vacances de 3 semaines. En fait, je définirai leur approche du voyage comme communautariste, c’est-à-dire qu’ils voyagent individuellement ou en petits groupes, pour finalement se retrouver dans les mêmes auberges, et « vivre entre eux ». Suis-je en Argentine ou en terre sainte ? Je me suis retrouvé parfois le seul non-israélien autour d’une table, ce qui à la base ne me dérange absolument pas, dans la mesure où nous échangeons. Pourtant, il m’est arrivé à certains moments de me sentir un peu comme « une bête curieuse », dans leurs regards et leurs questions : « tiens, un français qui parle anglais, c’est rare » ou alors est-ce dû à l’image médiatique pro-palestinienne de la France. En tout cas, dans leurs propos, Israël est bien un pays en guerre.
Depuis que je suis en Amérique du sud, il m’arrive d’être pris aux premiers abords pour un anglais, un suédois, un allemand, un américain … mais jamais pour un français. Mon accent est parfois difficile à identifier, lorsque j’utilise la langue de Shakespeare, contrairement à la majorité de mes compatriotes. L’image du français est régulièrement celle de celui qui ne parle pas anglais, ou alors avec un fort accent. Je n’invente rien. D’où certainement la confusion me concernant. D’un côté, cela me convient bien, je me sens surtout citoyen du monde, d’origine française. Après, c’est seulement une question d’affinités entre les personnes.

« L’attraction » à El Calafate, dont le nom provient d’une baie d’un fruit rouge local (photo suivante), une sorte de myrtille dans son apparence, est le fameux glacier Perito Moreno. Deux heures de bus plus tard, je découvre mon premier glacier de Patagonie. Un mastodonte qui s’étend sur plusieurs centaines de mètres de large, sur une bonne soixantaine mètre de haut, et dont la coulée est de quelques kilomètres. Quelle belle journée pour admirer cette forêt de glace. Ce parc national est aménagé touristiquement par des kilomètres de passerelles qui surplombent à distance ce glacier, et dont les argentins sont si fiers, puisqu’il est un des rares qu’ils ont, contrairement au voisin chilien qui en possède à foison. Quasiment six heures à me promener sur ce site, j’en profiterai même pour faire une petite sieste sur un banc, fatigué du voyage du matin en avion.





Le jour suivant, je file sur El Chalten, à trois heures de bus au nord, petit village en plein essor au cœur d’une vallée, et point de départ de nombreuses randonnées. Je suis étonné d’y voir autant de caravanes, c’est assez insolite. Le manque de logements explique surement ces annexes de vie dans les jardins privatifs.

Le lendemain, dès sept heures, nous partons avec un couple de polonais, Sébastien et Agnès, qui vit à Bruxelles, pour un trek de 35 km. Au programme, le lac Torre, au pied d’un glacier ainsi que le point de vue le plus proche en randonnée du mont Fitz Roy. Une bonne mise en jambe afin de me préparer au circuit W de 4 jours du Torres Del Paine au Chili que j’ai prévu de faire dans quelques jours. Point culminant dans les environs d’El Chalten, le mont Fitz Roy. Plus nous nous approchons du point accessible en randonnée du sommet (les derniers centaines de mètres sont réservés aux alpinistes), plus il fait froid, plus le vent souffle violemment, accompagné de neige fondue, qui claque sévèrement sur nos visages. Comme souvent en montagne, les sommets sont difficilement visibles à cause des nuages qui gravitent autour. Mais quelle belle randonnée, à la fin de laquelle je fini exténué après dix heures de marche, variant des portions de plat et d’ascensions.
Autre plaisir au cours de cette journée, s’abreuver à même le lit d’une rivière qui coule des glaciers alentours. On ne réalise plus dans nos grandes villes qu’il est encore possible de boire de l’eau pure, en se baissant, sans risque pour sa santé.
Mes compagnons de marche retrouvent en fin de journée un brésilien, qui vit depuis 25 ans en Alaska, qu’ils ont rencontré dans le Torres Del Paine chilien, puis revu à El Calafate quelques jours plus tôt. Celui-ci est partit il y a quelques mois avec son pick-up américain depuis l’Alaska pour rejoindre Ushuaia, au sud de l’Amérique du sud. Il entame maintenant sa remontée vers l’Alaska, et ses trois-là vont faire un bout de chemin ensemble jusqu’à Bariloche en empruntant la route la « moins praticable » d’Argentine, la route 40. Je suis invité à faire ce trajet avec eux, mais mon projet est de filer au sud, jusqu’à Ushuaia. Dommage de ne pas les avoir rencontrés un peu plus tard dans mon parcours…





De retour à El Calafate, je m’organise pour rejoindre Puerto Natales, ville chilienne la plus proche du parc national de Torres Del Paine. La route est longue, passage de douane oblige, le bus tombe en panne nécessitant des réparations sur place avant de repartir. Les aléas du transport.
Tard le soir à Puerto Natales, à la descente du bus, un couple âgé de chiliens dispose de lits disponibles dans leur auberge, qui est en fait leur maison transformée en « hostal Paulette ». Chaleurs ambiante et humaine sont au rendez-vous. J’y fais la connaissance de Will et Sofia, un couple de français, qui prévoit également de faire le circuit W du Torres Del Paine, dès le lendemain matin 7h. Nous voilà à nous organiser pour y camper, location de tentes et de matériel de camping « chez Paulette », puisque les seuls hébergements possibles dans le parc sont le camping ou des refuges très chers.

C’est partit pour 4 jours de randonnée dans un site d’une beauté exceptionnelle. En tout cas, c’est ce que disent tous les guides de voyage, et les cartes postales des différentes vues du parc national sont grandioses. Mais cette année, l’été dans la région est vraiment froid et pluvieux. Rien à voir avec les années passées d’après les locaux. Seraient-ce les effets du réchauffement climatique et l’impact sur le courant El Nino, qui régule sensiblement cette région ? On ne sait pas.
Alors que nous devions camper trois nuits, ce sera finalement qu’une seule. Au bout d’un jour et demi, nous décidons de rentrer à Puerto Natales. La météo est affreuse, et faire de la randonnée dans ces conditions n’est vraiment pas un plaisir. Certes, nous n’étions pas correctement équipés en vêtements de pluie, mais même ceux qui l’étaient finissaient trempés aussi. Il fait très froid, il pleut en permanence, et le vent est d’une force à certains endroits à faire coucher un homme. Je l’ai expérimenté, malgré une vingtaine de kilos sur le dos ! Je me serai cru parfois en Bretagne un jour de tempête, à marcher sur des rivages aux couleurs et au caractère identiques, mais avec quelques montagnes et glaciers enneigées en plus. Raison de plus de ne pas rester, le temps n’est pas prévu pour s’améliorer dans les jours suivants. Profondément déçu de ne pas avoir profité pleinement d’un endroit pareil, un sentiment d’échec contre les éléments m’anime, mais que pouvions-nous faire d’autre ? Je me motive en me disant que la nature a choisi de me priver de découvrir ce parc national, en tout cas pour cette fois, et qu’elle me réserve d’autres surprises plus belles encore ailleurs. Mes derniers vêtements secs me permettent de rentrer chaud le lendemain à l’auberge. Ce n’est pas le cas de Will et Sofia, pour qui, toutes leurs fringues sont humides, de la tête au pied. Quel bonheur de retrouver un endroit où un poêle à gaz réchauffe notre chambre et par la même occasion, nos cœurs.





Au petit matin, nos chemins se séparent, je file sur Punta Arenas, avec l’espoir de prendre le ferry hebdomadaire pour Puerto Williams, la ville chilienne la plus haut sud du monde, à une centaine de kilomètres d’Ushuaia, par la mer. J’y allais sans trop d’espoir d’embarquer, misant surtout sur le fait que les navires n’ont pas été autorisés à sortir une journée du port de Punta Arenas pour cause de tempête. Effectivement, à mon arrivée, ce ferry, qui traverse les fjords chiliens, pour une traversée de 34 heures jusqu’à Puerto Williams, est déjà parti. Ce n’est pas bien grave, je vais me rendre à Ushuaia en bus.

Je profite de cette journée pleine pour visiter cette ville, ma première au chili, puisqu’à Puerto Natales, j’y étais arrivé tard le soir, et j’avais pris la direction du parc national dès le lendemain matin.
Ville portuaire principale du détroit de Magellan, Punta Arenas se revendique capitale de la Patagonie. J’y fais mon touriste, à me balader dans les rues, découvre la statue colossale de Magellan, visite le cimetière, réputé pour ses vieux mausolées, et qui donne un air de Père La Chaise par endroit. J’y visite aussi le musée sur les ethnies locales, m’apportant une meilleure compréhension de cette grande région du sud du continent sud-américain, de la Patagonie jusqu’à la Grande Ile de Terre de feu, séparée par le détroit naturel de Magellan. Cette grande région (Patagonie et Terre de Feu) a été le théâtre de biens des découvertes, d’explorations, de colonisations, de convoitises, provoquant aussi et malheureusement la réalité de l’extinction des populations aborigènes, qui s’étaient parfaitement adaptées aux conditions de vie difficiles ici, notamment climatiques. De grands explorateurs y ont aussi laissé leurs empreintes : Magellan, Darwin, D’Agostini, Fitz Roy, Cook, Le Maire, et pleins d’autres qu’une page ne suffirait pas pour les citer.





A l'aube, je quitte Punta Arenas, pour la Terre de Feu, grande île partagée entre le Chili et l’Argentine. Je traverse ainsi le détroit de Magellan, sur un bac, me remémorant les traversées de Couëron au Pellerin ou de Basse-Indre à Indret. Quelques dauphins viennent surfer sur les vagues provoquées par le bateau au cours de la traversée. Je quitte le Chili et retourne en Argentine, et pour nouvelle destination : La plus grande ville la plus au sud du globe, porte la plus proche de l’Antarctique : Ushuaia !



SANTE (El Chalten) !

4 commentaires:

  1. Rectif : je crois que c'est 4 ou 5 km de large le glacier et 60 de haut effectivement et 3 fois cela en profondeur! Le bruit des craquements sont ce dont je me rappelle le plus... impressionnant quant il y a des décrochements, n'est-ce pas?
    Lac Torre : j'y ai perdu mes lunettes tellement le vent soufflait au sommet !!!

    Sigue gozando hombre !

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  2. Ah le bus pour y aller : penible ces postes frontieres, hein???

    T'as vu des condors en el Chalten?

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  3. Salut Antoine,
    merci pour la rectif du Perito Moreno, j'avais pas mis mon compas dans l'oeil ce jour là ;)
    Et le bruit, effectivement, impressionnant !
    Pour les condors, je les ai vus dans les fjords chiliens, à lire dans un prochain chapitre... la bise.

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  4. Les photos sont grandioses. Vraiment impressionnant ce glacier. Tu as dû te sentir tout petit là-bas au milieu de ces grands espaces.
    Lol pour le bac!
    Je vois que ton périple est ponctué de rencontres qui se prolongent par des expéditions communes.
    Viel Spass!

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